Le festival de Cannes bat son plein, c'est le moment de ressortir mon "aventure" passée dans un de ces lieux huppé de la Côte d'Azur...
Ça y est, c’est décidé, depuis le temps que j’attends, le moment est venu de franchir le pas. Mes économies en poche, je vais m’offrir un week-end de rêve dans un grand palace de la principauté de Monaco.
Première étape, le voyage. Bien sûr arriver devant le voiturier d’un palace au volant d’une antique Renault Clio de 5 ans d’âge, c’est original mais pas très classe. Direction donc un loueur de voitures pour trouver un carrosse décent. Ayant exposé mon projet au dit loueur, ce dernier m’assure avoir rentré justement la perle qu’il me faut : Jaguar S-Type Bi Turbo, auto classique et de bon goût pour amateur de belles mécaniques. Banco, après avoir la main tremblante signé un joli chèque de caution et donné les empreintes de toute ma collection de cartes bancaires, me voilà en route à bord de ce vaisseau feutré dans un confort digne des salons anglais. Jusque là tout va bien mon rêve est en marche. Quelques kilomètres encore à parcourir avant mon arrivée en principauté, il est temps de faire le plein pour ne pas arriver et donner les clés d’une voiture en panne sèche au voiturier… Ah c’est à ce moment que je regrette ma Clio, j’ai l’impression que le réservoir de cette Jaguar est percé tant les litres de carburant défilent. Le pompiste accueille ma carte bleue avec un grand sourire et m’accompagne jusqu’à ma voiture, peut-être veut-il admirer mon superbe carrosse rutilant. Je me réinstalle au volant, un sentiment de fierté non contenu, je mets le contact, le moteur se réveille dans un feulement, je joue un peu avec l’accélérateur histoire de faire apprécier ce son mélodieux, mais en fait de mélodie mécanique, survient un bruit étrange, puis plus rien. Deuxième essai, même punition. C’est à ce moment là que le pompiste vient à ma hauteur en me lançant « Un problème avec votre nouvelle Jaguar S-Type V6 Bi Turbo DIESEL monsieur ? » Diesel ? Depuis quand ils font des gasoils chez Jaguar ? Je ne le crois pas, je viens de remplir les 70 litres du réservoir avec du Sans Plomb 98 !!! « Je vous appelle une dépanneuse ? » Ah la classe oui, j’arrive devant le palace sous les yeux ébahis des passants au volant d’une superbe Jaguar posée sur le plateau d’une dépanneuse, le week-end commence bien !
Enfin maintenant que j’y suis et que ma suite est réservée, il faut y aller. Les formalités d’usages remplies à la réception, un groom me conduit à ma suite. Et là, c’est la découverte d’un autre monde, le royaume du luxe, tout est nickel, on est bien loin du Campanil.
Dîner au restaurant du palace, histoire de se remettre de ce douloureux voyage. La carte est digne d’un roman de Stephen King, de longues descriptions auxquelles on ne saisit pas toujours le sens, mais bon, tâcher de rester digne face au maître d’hôtel, l’heure du choix est proche. Après de longues hésitations, je fini par me décider pour un plat unique et éviter les menus à rallonge, ma rocambolesque arrivée m’ayant quelque peu coupé l’appétit. Ne m’en veuillez pas, le nom de ce plat m’échappe aujourd’hui mais ce bout de viande de bœuf, ou plutôt cet échantillon de bœuf, (je dis échantillon car je suppose que ce bœuf est encore vivant quelque part et qu’on lui a seulement ponctionné un infime morceau de muscle histoire de décorer mon assiette) m’a laissé sur ma faim. Ce succulent repas achevé, au bout de deux longues heures tout de même, il est temps pour moi de retourner à ma suite et de profiter de quelque repos bien mérité. Le parcours du restaurant à ma chambre ne fut pas sans embûche… Lors de mon arrivée, un chasseur m’a accompagné, mais voilà, je suis seul maintenant, livré à moi-même dans ce dédale de couloirs moquettés de neuf. Véritable labyrinthe, les seules personnes que je croise semblent errer au hasard sans but précis, sont-ils là depuis longtemps ? Cherchent-ils leur route également ? Une heure passe avant que je retrouve la porte de cette chambre de rêve. Pas de clé, le précieux sésame est une carte à puce dernier cri. J’insère la carte dans la serrure électronique, lumière rouge, bip grave, pour toute réponse, je clenche, fermé. Second essai, résultat identique. J’ai beau retourner ma carte dans tous les sens, rien n’y fait, impossible d’ouvrir la porte ! Le couloir est vide. Je suis là devant cette porte close, unique solution, rebrousser chemin et retourner à la réception demander de l’aide. Trois quarts d’heure plus tard, après une longue escapade pour retrouver la réception puis revenir à ma chambre, je me présente face à cette porte muni du précieux sésame plastifié afin de profiter de ma suite. Somptueuse, immense, une salle de bain de marbre blanc digne des plus belles salles antiques. Après une bonne douche réparatrice, je décide de regarder la télé, le chasseur m’ayant indiqué que la suite disposait d’un écran géant plasma et de plus de 500 chaînes. Je dispose bien d’une télécommande, mais point d’écran en vue. J’ouvre les meubles, le mini-bar, pas de télé, pourtant un écran géant, ça doit se voir non ? J’appuie au hasard sur les boutons de la télécommande, une musique s’échappe des murs, la radio, je continue mes investigations sur les multiples touches de cette commande sans résultat apparent. Je me décide d’appeler la réception afin de leur demander de l’aide, à nouveau. Il suffit d’appuyer sur le bouton situé en haut à gauche de la commande et l’écran apparaîtra du plafond. Merci. J’appuie, je me retourne pour aller m’allonger, mais voilà que ma tête vient heurter quelque chose de pointu, j’ai juste le temps d’apercevoir un écran descendre du plafond avant de tomber inanimé sur la moquette. Un rayon de soleil vient m’éblouir. Je me réveille avec la musique de MTV, un rap violent dès le matin, ce n’est pas mon truc, surtout quand je me rends compte que j’ai passé la nuit le nez dans la moquette rouge, non blanche, le rouge vient certainement de mon arcade ouverte… Enfin, cette première nuit dans cette suite m’a au moins permis d’apprécier le confort de la moquette, et surtout de découvrir un écran plasma comme j’en avais rarement vu ! Je me console de cette première nuit par un petit-déjeuner pantagruélique. Sans vouloir être négatif, jusqu’à cet instant, ce fut le seul point vraiment positif de ce week-end Palace !
La journée fut plus tranquille, plage, déjeuner au Mac Donald (ben oui !), visite du musée océanographique, balade l’appareil photo en bandoulière le bermuda, les tongs et les chaussettes de tennis, le bob et la chemise à fleur, rien de bien extraordinaire quoi, la journée du touriste lambda.
Petit détour au casino avant de regagner ma suite un peu plus tard dans la soirée. Oh, je n’ai pas vraiment l’âme d’un joueur, j’y suis allé seulement histoire de humer l’ambiance d’une grande salle de jeu, d’écarquiller les yeux devant ces plaques de plastique aux zéros par demi-douzaine, d’admirer les flambeur de rêver un peu au contact de ce monde irréel et bien loin de la vraie vie…
En cette seconde soirée de Palace, j’ai eu envie de profiter pleinement de ma chambre, direction la suite, dont je connais désormais le chemin, bien que me trompant d’étage à deux reprises… Ayant déjà testé le confort de la moquette, je pense pouvoir essayer le moelleux de l’immense lit. L’écran plasma descendu, je m’allonge sur le lit, tel un chat je m’étire et goûte au confort et au bien-être absolu. Non, pat tout à fait, ce traversin ne me sied pas, je n’ai pas l’habitude, rien ne vaut un bon oreiller. Il n’y en a pas sur le lit, soit debout, les recherches reprennent, à la recherche de cet élément de confort. Pas la moindre trace de plumes dans la suite, j’ai beau tourner autour du lit, en faisant bien attention à ce stupide écran qui cherche à heurter mon crâne, retourner les meubles, la chance se refuse à moi. Mais j’oubliais, presque, je suis dans un palace, tout est possible non ?
- Allo ? la Réception ? Non ? ah Monsieur le Concierge, bonsoir, excusez-moi de vous déranger, mais j’aurais aimé un ou deux oreillers supplémentaires s’il vous plait.
- Pas de problème Monsieur, je m’en occupe de suite, je vous envoie cela, bonne nuit.
Ça c’est Palace, aussitôt dit aussitôt fait ! Quinze minutes après avoir raccroché le combiné, on frappe à ma porte.
- Oui ?
- Service d’étage, Monsieur me répond une voix féminine.
- Entrez
Et là, surprise. Deux jeunes femmes font leur entrée dans ma chambre, les mains vides. Sculpturales, 4 jambes interminables, deux couvertures de magazine échappées du papier glacé. Se sont-elles trompées de chambre ? Je n’ai demandé que deux oreillers supplémentaires. Des oreillers supplémentaires, j’y suis, quel idiot, je ne pensais pas que ce terme existait encore à notre époque ! L’oreiller supplémentaire d’un grand hôtel n’est pas vraiment fait de plumes, mais de chair… J’en ai la chair de poule en relevant les yeux sur mes deux oreillers… Messieurs, honnêtement, entre nous, à ma place, peut-on refuser l’hospitalité à deux personnes peu vêtues par une froide nuit d’août, les renvoyer pour satisfaire son petit confort avec un oreiller moelleux ? Moi franchement je n’ai pas pu, faisant fi de mon bien-être, mon grand cœur me perdra, j’ai choisi d’accueillir ces deux âmes égarées pour la nuit…
Peu dormi, très peu dormi même je dois l’avouer, à mon réveil je suis dans le canapé, la suite est en désordre, vide. Le téléphone sonne, la réception, il est temps de libérer la chambre. Je rassemble mes quelques affaires, un chasseur est déjà là pour prendre mes bagages. Je descend à la réception, fatigué et quelque peu hagard, le personnel a toujours le sourire, c’est logique travailler dans un tel cadre, on ne peut qu’être heureux. En ce qui me concerne ce matin là, mon sentiment était plutôt mitigé, heureux d’avoir passé quelque temps dans un Palace, mais assez perturbé par ce séjour tout de même, n’ayant eu le loisir de dormir dans un lit ! La réceptionniste me présente ma note en me demandant si elle doit m’appeler un taxi, mon véhicule étant toujours au garage. J’acquiesce tout en dépliant la facture. Et là, c’est le drame. Surtout pour mon compte en banque. Vous n’imaginez même pas combien sont facturés les oreillers supplémentaires dans un palace, un conseil, gardez le traversin ! Au prix de la suite viennent s’ajouter quelques plus values étranges, un moteur pour relever l’écran plasma abîmé, 100m² de moquette, le sang de mon arcade sourcilière étant indélébile, frais de séjour et j’en passe. La main tremblante, je signe un chèque.
- Finalement, laissez tomber le taxi, je me débrouillerais merci.
- Bien Monsieur, en espérant que vous avez passé un bon séjour, et à bientôt !
Ces mots résonnèrent longtemps dans ma tête lorsqu’une averse de grêle s’abattit sur moi alors que je faisais du stop sur la Nationale 7 à hauteur de Saint Rambert d’Albon, deux jours plus tard…
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