jeudi, août 03, 2006

Marrions les filles...

Bon, il se peut que mes goûts musicaux soient un peu "particuliers", certes, je l'avoue, ce n'est pas donné à tout le monde d'aimer Bourvil, Bobby Lapointe, tout en appréciant Bruce Springsteen, Norah Jones, Anis et j'en passe... Tout est bon dans la musique, tant que le plaisir est là. Aujourd'hui, alors que je charge mes disques dans mon ordinateur, je tombe sur ma petite collection d'albums de Chanson Plus Bifluorée, des souvenirs me reviennent, moments de bonheur de voir ces extra-terrestres sur scène, mêlant habilement parodies et créations, burlesque et tendresse, un groupe à voir absolument, du grand art...
La France est un si beau pays, chaque région à ses particularités, des histoires passent de bouches à oreilles dans chacune de nos régions. Chanson Plus Bifluorée est venu me conter une petite histoire...

Marrions les Filles


« Je suis venu des Cévennes, de Grenoble, à pieds pour vous conter l’histoire d’une chanson. Cette histoire que l’on se racontait le soir à la veillée dans l’ancien temps à la campagne dans les temps reculés, vous savez que dans ces temps là à la campagne, il n’y avait pas les moyens de distraction et de loisirs comme il y a maintenant. Il y avait simplement la vie qui s’en allait avec ses joies et ses peines, mais aussi ses peines et ses joies. On avait une coutume là bas dans les Cévennes à Grenoble, à la campagne, on avait une coutume, on pelait les noix. Alors l’après-midi on allait gauler les noix sous les noyers, on cassait un peu avec les gaules les noix et puis il y avait plein de trucs qui tombaient, c’était des noix bien sûr, et puis on remplissait des grands sacs de noix de noix, et le soir on allait à la veillée aux noix avec tout le village, Fanchon, Fanchonnette, Marilou, Marinette. Tout le monde était là et on pelait, pelait les noix chez mon grand-père et ma grand-mère, dans la vieille cuisine pleine de guêpes écrasées, sentant bon l’herbe, le bois, la craie. On arrivait chacun avec son petit marteau, on commençait à casser les noix sur la vieille table, putain y’en avait partout des coquilles, on cassait, ça faisait un bruit d’enfer, c’était bien. Et puis, une fois que l’on avait cassé la coquille, il y avait une sorte de pellicule chiante qui entourait le fruit, le cerneau, cette connerie la, mais il fallait l’enlever car on portait ça au moulin pour faire de l’huile de noix avec le gros broyeur en pierre qui broyait les noix, c’était chiant parce que si tu veux, pour 200 kilos de noix tu avais 1cl. d’huile. Alors il fallait en peler des tonnes, mais le travail ne nous faisait pas peur il faut dire. Alors on pelait, on pelait, alors vers minuit quand on avait pelé les noix, il y en avait partout, y’en avait plein le cul, alors on commençait à chanter des chansons, le vin aidant, et puis mon grand-père montait sur le tabouret. Je le regardais et lui disais grand-père, chantes nous la chanson Marrions les Filles. Et il me disait té, je vais la chanter Marrions les Filles, je la chante, et il chantait Marrions les Filles, la chanson. Et cette chanson, Marrions les Filles, je l’ai recueilli par tradition orale, il n’y avait pas de magnétophone en ces temps là, et c’est une chanson que mon grand-père tenait de son grand-père, qui lui-même la tenait de son grand-père, qui lui-même la tenait de son grand-père, qui lui-même la tenait de Bernard Lavilliers ! Et c’est pas des conneries ! Cette chanson, Marrions les Filles, bon je vous l’explique en deux mots : bon, marrions, du verbe marier, les filles, les filles quoi, on sait ce que c’est. Cela se passe au mois de juin, à l’époque de la mousson, on rassemble les filles en âge d’être mariées, 13, 14 ans, on les mets sur des tracteurs, de gros tracteurs, à demi-nues avec des sacs de noix pilées, pelées, pilées sur la tête ; et derrière on mets les jeunes garçons en âge d’être mariés, 39, 40 ans, sur des moutons, à califourchon sur des moutons, avec des châtaignes bouillies dans les narines. Pourquoi ? Parce qu’à un moment il y a le départ de la course, c’est une course finalement pour se marier, alors les tracteurs partent devant évidemment avec les filles dessus, et bien sûr ils en prennent plein les narines du gasoil, c’est pour cela qu’ils ont des châtaignes bouillies. Je ne sais pas si on le fait ici, en tout cas là bas, dans les Cévennes à Grenoble, on le faisait. C’est une coutume, ça c’est des trucs qu’on peut pas dire c’est bien ou pas bien, c’est la coutume, on la fait, depuis des années c’est comme cela, on cherche pas à remettre en cause, on le fait. C’est pas des conneries. Une fois qu’on avait fait ça, on avait marié les filles au mois de juillet, on mariait les filles et les garçons vainqueurs, au moment de la vendange au mois de juillet, la vendange des noix. La vendange tardive cela s’appelle.
Dans les Cévennes, à Grenoble, à la campagne, on reste fidèle à la tradition ! »

Chanson Plus Bifluorée

petit-thionvillois@hotmail.fr

1 commentaire:

Lyjazz a dit…

Alors, tiens, je viens saluer quelqu'un qui aime la même chanson que moi !
Voilà, moi aussi ça me fait marrer, je revois le concert, les mimiques, et ça m'évoque d'autres bons moments...

Je n'avais jamais trouvé les paroles et je te remercie de les avoir transcrites ici !