vendredi, juillet 01, 2016

Virages

Un dimanche de printemps comme les autres. Matinée fraîche et ensoleillée. Jean, polo, baskets, vêtu comme d’habitude finalement, je descends les sept marches, traverse la rue et actionne l’émetteur de la porte de garage. Un claquement, le moteur s’enclenche, la porte s’ouvre, les néons blafards clignotent sous les coups de leurs starters usés, l’antre sombre s’illumine peu à peu. J’avance dans la pente, je marche doucement avant que la porte ne se referme derrière moi. Elle est là sur ma droite en première ligne. Blanche, immaculée, des jantes d’un noir brillant et profond, des étriers de freins flamboyants. Ses courbes quasi sensuelles semblent apaisées sous cette lumière artificielle, sa face reste douce, quelconque presque alors que sa poupe généreuse révèle un tempérament affirmé. Je m’approche, d’une pression de l’index sur la poignée avant gauche je la déverrouille. Deux pas en arrière, j’ouvre la porte arrière, dépose ma canne, fidèle compagne, retire ma veste la dépose sur la banquette. Je referme. J’ouvre la porte avant, celle qui va enfin me laisser découvrir le poste de pilotage. Je m’assieds, m’installe, pied droit sur l’accélérateur, pied gauche calé dans la pédale en forme d’étrier de frein. J’attrape la boucle de ceinture, m’attache avec cette ceinture d’une couleur rouge plutôt originale d’ailleurs, une petite touche de gaieté dans un environnement sombre. Pied gauche sur le frein, j’appuie sur le bouton de démarrage. Un cliquetis se fait entendre puis un feulement, le moteur s’est réveillé, des diodes illuminent le tableau de bord, check up électronique, tout est en ordre. L’aiguille du compte tours palpite. Marche arrière enclenchée, je recule doucement pour m’extirper de cette place entre deux piliers de béton. Pression sur la commande du garage, j’avance lentement vers l’extérieur, les phares s’éteignent en découvrant le soleil face à moi.
Je prends la route, doucement en ville, la boite de vitesse gère seule le rendement du moteur. Petit à petit elle monte en température, la radio diffuse son lot de publicités. Je sors de la ville, j’emprunte une bretelle d’autoroute, je descend la rampe de lancement à 70 km/h en sixième, un coup d’œil dans le rétroviseur, la voie est libre, deux impulsions sur la palette de gauche pour tomber deux rapports tout en écrasant la pédale de droite, la Clio bondit dans un son rageur, les 160 km/h sont atteints en quelques secondes seulement, je relâche l’accélérateur pour me caler à 100 km/h. A cette allure, les quelques véhicules empruntant l’autoroute me dépassent allègrement. Qu’importe, ce ruban d’asphalte droit, large, lisse et sans âme n’est qu’un lien conduisant à mon but que sont les petites routes qui serpentent dans les forêts luxembourgeoises.
Je coupe la radio, la magie opère. J’enchaîne les courbes sur un filet de gaz, le rythme s’accélère, les sorties de virages deviennent des rampes de lancement, la puissance du moteur envoie la Clio telle une bille de flipper sur les routes boisées. Je tends les trajectoires, coupe les virages quand la visibilité le permet, je place les roues à l’extrême limite du bitume. Les gestes sont doux, précis, ne pas brusquer l’auto, faire corps, rester concentré. Sans dépasser les limites légales autorisées, le plaisir est atteint. Les paysages défilent, différents, tantôt sombres presque inquiétants dans les forêts du Mullertharl, puis ensoleillés des bords de la Moselle, la balade dominicale est un régal.

C’est une belle journée.
(souvenirs désormais...)
kryzstof

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